Stade Abbé Deschamps, 15 mai 2004. Un stade en délire célèbre ses héros. L'AJA a-t-elle remporté le second titre de champion de France de son histoire ? Non, on en est même loin mais Boumsong, Cissé, Kapo et probablement Mexes font des adieux émouvants et réussis à leur public. Pourtant, l'AJA ne finit "que" quatrième. Retour sur une saison réussie qui laisse pourtant un goût amer à certains, supporters, joueurs ou journalistes.

L'AJA a réussi une bon exercice 2004 en finissant 4ème d'une L1 qui n'a jamais été aussi relevée depuis 5 ou 6 ans, pour preuve les résultats exceptionnels dans les différentes Coupes d'Europe. L'équipe de Guy Roux termine derrière trois mastodontes, Lyon, le triple champion en titre, Paris et Monaco. Rien d'insultant. De plus, l'AJA finit avec la deuxième attaque (60 buts dont 36 pour la paire Kalou-Cissé) et la quatrième défense. Une saison qu'on risque d'avoir du mal à reproduire les prochaines années avec les départs de la génération dorée. Malgré tout, le "potentiel" des jeunes aura fait fantasmer puis râler tous les sympathisants auxerrois qui avaient vu la jeune classe bourguignonne plus haut (trop ?), à tort ou à raison. L'effectif de Lyon n'avait rien à lui envier (Elber, Edmilson, Coupet, Juninho, Govou) tout comme celui de Monaco (Giuly, Rothen, Morientes, Nonda, Squillaci) alors que Paris n'a pas eu de Coupe d'Europe à jouer.

Un départ difficile

Le vieil adage dit que le retard pris ne se rattrape jamais et il résume peut-être bien la saison de l'AJA, handicapée d'entrée par deux facteurs. Premièrement, la saison a démarré trop tôt pour les hommes de Guy Roux, mal préparés à cause de la Coupe des Confédérations, programmée de manière absurde par la FIFA et qui, couplée aux vacances de ses internationaux, a réduit la préparation des "vedettes" à peau de chagrin. Résultat, une défaite d'entrée à l'Abbé Deschamps contre Nice (1-2) couplée à une incroyable malchance (deux poteaux pour Cissé et une cagade de Cool). Le rendement de la paire Boumsong-Mexes a été plus que moyen lors de ce mois d'août et les hésitations coupables ont fleuri. De plus, le recrutement était loin d'être terminé et il a fallu attendre l'arrivée de Philippe Violeau pour stabiliser le milieu de terrain, orphelin d'un "physique" depuis le départ d'Amdy Faye à Portsmouth. Guy Roux n'avait pu organiser son équipe dans les matches amicaux et il lui a fallu quelques matches pour comprendre que l'Ivoirien Bonaventure Kalou, invisible dans le replacement défensif serait plus rentable dans l'axe que sur le flanc droit. Tout ceci a déjà pris un bon mois. Deuxièmement, le calendrier n'a pas gâté l'AJA qui lui a proposé tous les ténors à l'extérieur pendant cette période difficile. Dans l'ordre, Marseille (0-1), Bordeaux (0-2), Lyon (1-1), Paris (0-1). Forcément, la contre perf niçoise était dure à effacer. Dans ces conditions, les leaders étaient déjà largement devant (OM, Monaco) et Auxerre était parti pour une longue course poursuite de plusieurs mois.

Montpellier, le tournant

Les mois de septembre et octobre sont mitigés avec quelques bons résultats (3-0 contre Lille, triplé de Cissé, 1-1 à Monaco, but de Kalou) gâchés par une rechute à domicile face à un Montpellier (0-1) à l'époque en pleine bourre et qui ne savait pas à l'époque qu'il était parti pour une très longue galère. Ce 25 octobre, l'AJA est au plus mal malgré un parcours européen satisfaisant qui lui permettra d'éliminer dans cet automne Neuchâtel Xamax (1-0 ; 1-0) puis un peu plus tard Utrecht (0-1 ; 4-0). Philippe Mexes s'en prend même en privé à la tactique de Guy Roux, ce qui sera relaté immédiatement par l'envoyé spécial de L'Equipe. L'AJA semble alors partie pour un gros gâchis.
C'est alors qu'un déclic se produit chez les joueurs. Les mois de novembre, décembre et surtout janvier sont absolument magiques. Rien ni personne ne peut plus arrêter Auxerre, qui fond sur les leaders, au point de devenir pour beaucoup de spécialistes, le grand Eugène Saccomano (RTL) en tête, l'outsider numéro 1 du championnat, derrière l'AS Monaco. Il faut dire que sur le terrain, les victoires s'enchaînent, le jeu proposé est alléchant, et le stade Abbé Deschamps s'enflamme.
Tour à tour, Toulouse (0-3), Guingamp (3-0), Metz (0-2), Le Mans (1-0) et Ajaccio (1-2) s'inclinent avant Noël. Seul un Sochaux euphorique (3-2) malgré un nouveau doublé d'un Cissé plus fort que jamais, vient à bout de l'AJA. Seul bémol, juste avant les fêtes, Auxerre privé de son axe majeur, Tainio-Kalou, s'incline bêtement à Nantes (0-1) au cours d'un non match. Pourtant, le doute ne s'instaure pas longtemps. La reprise de janvier est plus euphorique que jamais avec 7 victoires consécutives, Coupe et Championnat réunis. Auxerre est en demies de la C. de la Ligue contre Nantes, sur les talons des leaders en L1 et en huitièmes de la C. de France contre Brive. Sochaux (2-0), Marseille (2-0), Strasbourg (2-0), Gueugnon (1-0), Rennes (2-0), Montpellier (2-0) et surtout Bordeaux (5-0) baissent pavillon devant l'équipe la plus fashion du championnat. Mexes, Kapo, Kalou, Tainio, Lachuer, Cissé et les autres sont injouables. Le capitaine rennais, Dominique Arribagé déclarera même écoeuré : «C'est la meilleure équipe que nous avons rencontrée, largement.» Or, Paris, Monaco et Lyon notamment avaient déjà foulé la pelouse de la Route de Lorient !

Lyon, la cassure

Alors que tout va pour le mieux, une première déception se produit à Nantes, encore... Le FCNA élimine Auxerre de la Coupe de la Ligue aux tirs aux buts (0-0) alors même que l'arbitre a annulé un but valable de Tainio. Une première désillusion pour l'AJA. Sans conséquences pense-t-on alors que ce 15 février, Lyon se rend à l'Abbé Deschamps. L'OL est à la rue et vient d'être humilié par Monaco en Coupe de France (4-1), pourtant l'objectif prioritaire du président Aulas. L'AJA se voit déjà deuxième mais ce soir là, l'OL se retrouve et s'impose (2-1) malgré un but en fin de match de Boumsong. Auxerre touche ses limites, malgré un bon match, la maîtrise du champion semble se trouver du côté de Gerland, les Bourguignons ne s'en relèveront jamais totalement. Malheureusement, l'effectif de l'AJA n'est pas assez fourni en qualité et Guy Roux fera très peu tourner comme à son habitude afin de préserver le niveau de l'équipe le plus élevé possible. Résultat, les problèmes commencent à apparaître, blessures (Boumsong, Mexes, Radet, Tainio) et la fatigue se faire sentir (Kalou). A cela va venir s'ajouter le retour de la Coupe de l'UEFA et quatre matches aussi fatigants que décevants face à Panathinaïkos (0-0 ; 1-0) et PSV Eindhoven (1-1 ; 0-3) sources de tristesse, d'amertume (car l'arbitrage a été très peu favorable) et de fatigue. Nuls en série s'enchaînent (Bastia, Paris, Monaco) et Auxerre touche même le fond en s'inclinant à Lille et Montpellier (1-0 par deux fois). Certains spectateurs s'en prennent même à Djibril Cissé, lui reprochant de ne plus marquer, comme s'il n'était qu'une machine. Cette fois, les rêves de titre et de C1 se sont envolés, le but est de conserver la place européenne face au retour de Marseille et la concurrence de Sochaux. Heureusement, l'un et l'autre seront occupés par différentes Coupes (de la Ligue pour les Doubistes, de l'UEFA pour les Marseillais) et au bout d'une fin de saison très honorable, l'AJA se classera à une belle quatrième place.

Le bilan collectif

Cette saison auxerroise a été partagée entre inquiétude, grandes joies, euphorie, déception et soulagement. Finalement, il fallait écouter et croire le Boss. «Je n'ai jamais parlé de course au titre ! C'est comme dans le Tour de France : ceux qui parlent de course au titre quand Armstrong a un quart d'heure d'avance, ce sont des rêveurs.» Comme Monaco un peu plus tard, Auxerre n'a pu, pour diverses raisons, tenir le triple rythme, Coupes, L1 et UEFA. Toutefois, on a vu du beau jeu et des buts au stade Abbé Deschamps, plusieurs fois le stade plein (Paris, Marseille, Lyon, Nantes, ...). La deuxième attaque du championnat a brillé par un jeu collectif par intermittences. «Nos joueurs sont d'abord des individualistes» ( Roux), ce qui ne les empêche pas de briller, bien plus qu'en 2003 en tout cas. A ce titre, l'arrivée de Kalou a métamorphosé l'équipe, son individualisme étant un peu moins forcené que celui de Kapo mais surtout plus efficace. L'absence sur blessure toute la saison de Benjani, meilleur joueur "collectif" avec Lachuer des avants bourguignons a malheureusement pesé tout comme l'absence d'une solution de rechange à Kalou, hormis Mathis, utilisé trop tard dans la saison.

Guy Roux est en tout cas globalement satisfait. «Cette quatrième place est belle, quand on regarde derrière qui nous finissons : trois gros budgets aidés par des tiers (lol). Nous, on se défend avec nos armes, avec l'argent que nous gagnons et avec les joueurs que nous formons. Je voulais que nous soyons le premier des autres, et on l'a été !» De même, Djibril Cissé rappelle fort à propos qu'il ne fallait pas trop attendre d'eux. «Nous sommes très jeunes, Mexes, Kapo, Mathis, moi, vous, les journalistes vous enflammez beaucoup trop vite.» Le mot de la fin au capitaine Yann Lachuer. "C'est sûr que finir quatrième, c'est une belle place, quand on voit le trio de tête. Il y avait la capacité de faire un petit peu mieux dans des moments clés de la saison… que nous n'avons pas su gérer. Mais on a tous fait le maximum. Cela dit… on peut toujours faire mieux. Et si on finit quatrième tous les ans, les dirigeants et les supporters seront contents. Je pense qu'avec du sérieux et du travail, on arrive à faire plaisir à pas mal de gens. Car le football, si c'est d'abord du plaisir pour les joueurs, c'est aussi de donner du plaisir aux spectateurs ! " A propos de public, on regrettera juste les sifflets et la dureté d'une frange du public auxerrois qui, s'il est probablement le moins grossier de France, est sûrement aussi le plus dur avec ses joueurs même quand ils gagnent. Cissé, pourtant convoité par toute l'Europe n'a pas fait une saison au goût de tout le monde, s'attirant des sifflets lors de sa période creuse (1 but en 10 matches). Pourtant, il n'oublie pas ceux qui l'ont soutenu. «Je suis très rancunier mais ça ne m'empêchera de venir donner mon maillot à ceux qui le méritent vraiment, à ceux qui viennent toutes les semaines, à ceux qui font des centaines de kilomètres pour nous voir jouer. Eux ont le droit de me siffler. Ce que je n'accepte pas, c'est lorsque des gens qui viennent tous les mois ou tous les deux mois se permettent de m'insulter.»

Analyse individuelle

Nous allons nous attacher désormais à étudier le rendement indiciduel de chacun des principaux joueurs de l'effectif.

Cool : le gardien auxerrois est en fin de carrière, certains annoncent même que la prochaine saison sera sa dernière à l'AJA. Il n'a pas été très décisif cette saison, moins qu'auparavant en tout cas.

Hamel : sur le départ. Le remplaçant de Cool aspire à jouer un minimum. Guy Roux pourrait promouvoir le jeune Baptiste Chabert au poste de doublure.

Radet : encore une grande saison du latéral droit auxerrois. S'il a été détrôné par Mendy dans l'équipe type du championnat, il n'en a pas moins été exceptionnel. Son absence a pesé lourd en février-mars. Très sûr dans ses interventions, il est convoité par de nombreux clubs et espère quitter l'AJA. En fin de contrat en 2005, il ne souhaite pas prolonger mais Guy Roux estime que la fortune accumulée par son club peut le dispenser d'indemnités (comme pour Kapo et Boumsong).

Perrier Doumbe : le remplaçant par excellence. A supplée Jaures à gauche et Radet à droite. Peut aussi jouer dans l'axe comme avec le Cameroun. Roux ne compte pas vraiment sur lui comme titulaire car capable de quelques bourdes. En progrès mais possède un bon de sortie cet été.

Boumsong : impérial à partir d'octobre quand il n'a pas été blessé. Seul Auxerrois sélectionné à l'Euro, cela veut tout dire. A signé fin décembre aux Glasgow Rangers, choix financier plus que sportif. Très attaché à l'AJA, le public auxerrois ne l'oubliera pas.

Mexes : une bonne saison mais un excès de confiance permanent qui agace. Guy Roux l'a violemment pris à partie plusieurs fois ( «en foot, il faut réfléchir, ne pas monter tout le temps» ). Il a coûté plusieurs buts à son équipe mais a aussi réussi des matches grandioses. Malgré une mentalité pas toujours exempte de reproches, il a largement contribué au bon parcours de l'équipe. Son départ en Italie n'est pas encore réglé, faute de moyens financiers pour les clubs intéressés.
Grichting : le Suisse est le remplaçant attitré de Boumsong l'an prochain. Il a été excellent toute la saison même si sa relance laisse parfois à désirer. Peut aussi évoluer à gauche.

Mignot : le jeune Auxerrois a montré de belles qualités, surtout à gauche, un bel espoir de déjà 23 ans.

Jaures : très critiqué cette saison, a même parfois perdu sa place au profit de Perrier, Grichting ou Mignot. Fragile.

Violeau : le vétéran du milieu a stabilisé l'équipe dès son arrivée de Lyon avec son vice, ses fautes. Auteur d'un but exceptionnel contre Toulouse. Indispensable mais pas éternel.

Tainio : le Finlandais est le véritable meneur de jeu de l'équipe, à l'instar d'un Pedretti ou d'un Dhorasoo. Ses absences ont toujours été préjudiciables à l'équipe et son activité est débordante. Adoré du public.

Sirieix : le milieu défensif basque a réalisé sa meilleure saison à Auxerre, livrant enfin de bonnes performances, aux côtés de Violeau. En fin de contrat, il va rejoindre Toulouse l'an prochain.

Lachuer : le capitaine est toujours aussi fort, finissant meilleur passeur du championnat. Indispensable et respecté, il sera l'un des hommes de base de la reconstruction.

Akale : l'Ivoirien a montré toutes ses qualités cette saison, malgré la très forte concurrence de Kapo. Ses dribbles ravageurs, sa volonté, ont enflammé le public. La saison 2005 doit être celle de l'explosion.

Kapo : une dernière saison difficile. Un peu trop personnel, trop emberlificoté dans ses dribbles, son départ à la Juventus est une belle consécration et l'occasion de passer un palier. Des relations tumultueuses avec le public.

Mathis : une saison à oublier. Barré par Tainio au milieu, par Lachuer à droite et par Kalou en «10» , Lionel a vécu une saison difficile. Une fin de saison encourageante (buts à Lens et à Nice) peut lui faire entrevoir des lendemains qui chantent.

Kalou : la révélation de la saison. Grande star au Feyenoord, son arrivée pour une bouchée de pain (2-3 millions) avait interpellé les supporters. Formidable dribbleur, vite repositionné dans l'axe, Bonaventure a inspiré le jeu auxerrois par sa capacité à garder le ballon. A tendance à ne pas toujours lâcher la balle au bon moment mais a offert des buts splendides au public (Sochaux, Strasbourg).

Cissé : que dire de Djibril ? Meilleur buteur du championnat (26 buts), il part à Liverpool en seigneur, acclamé par un stade en délire contre Nantes. Très attaché au club et à Guy Roux, plus que Kapo ou Mexes, il laissera une trace indélébile dans l'histoire de l'AJA. Des buts magnifiques, des actions de classe et un jeu de plus en plus complet y compris de la tête (5 buts). Une star.

Benjani : l'idole de l'Abbé Deschamps. Le Zimbabwéen a été blessé toute la saison, ne faisant son retour qu'à la 36ème journée. Son retour est très attendu l'an prochain pour compenser le départ de Djibril Cissé.

Gonzales : l'éternel remplaçant. Dans son registre, il apporte son écot à l'AJA.

Quid de 2005 ?

La saison 2005 s'annonce compliquée avec le départ d'énorméments d'éléments : on savait de toute manière en Bourgogne que l'intersaison 2004 serait synonyme de fin de cycle. Les remplaçants seront-ils à la hauteur surtout que le centre de formation ne semble pas receler de perles prêtes à éclore immédiatement. Il va donc falloir parier sur des renforts venus de l'étranger ou du banc de touche. Si l'équipe type parait compétitive, quoique pas exceptionnelle, le banc parait très très court pour le moment. Le retour de Benjani, idole de tout un stade est fortement attendu tout comme l'éclosion de Mathis voire Mignot. Le club est très riche désormais avec les transferts réalisés, ce qui pourrait conduire les dirigeants, à attendre quelque peu avant de réaliser éventuellement des ajustements. Tout dépendra probablement du début de saison, si Auxerre n'a pas de ratés à l'allumage et si le groupe est animé d'un bon état d'esprit, on pourra attendre de grandes choses. Sinon....

La saison 2004 a été une belle et grande année dans l'histoire de l'AJA car elle marque le moment où se sont envolés du nid de très beaux poussins, en particulier Djibril Cissé, le joueur le plus excentrique jamais passé par la Bourgogne mais aussi l'un des plus talentueux. Si la plénitude de son talent ne s'exprimera probablement pas sous le maillot auxerrois, sa carrière, déjà magnifique, s'annonce grandiose. Comme en plus, les résultats ont quand même suivi, n'en déplaise aux râleurs, cette saison, si elle n'est pas la meilleure, loin s'en faut, ne sera pas oubliée de sitôt.